L'origine de la Rose+Croix se perd
dans la nuit des temps selon les enseignements d'Harvey
Spencer Lewis. Aux aryens qui auraient gouverné
l'Atlantide ! Après la fin d'Atlantide, ceux-ci se
seraient réfugié en Russie et de là
auraient sillonné le monde, vers l'Inde notamment,
avant d'arriver en Egypte.
Ce sont 12.000 aryens qui seraient arrivés en Egypte,
avec 9 autres tribus de compagnons d'autres races, avec
lesquels ils ne se mélangeaient pas. Ce serait
là l'origine des 10 tribus d'Israël. Les
pharaons Thoutmosis III et Thoutmosis IV auraient
protégé les écoles des mystères
aryennes, et auraient eux-mêmes été
admis par privilège dans la nation aryenne. Le
pharaon Akhénaton aurait été le premier
Grand-Maître de la Rose+Croix et
développé la Kabbale. Trahi, celui-ci fit
sortir les aryens et leurs compagnons pour qu'ils puissent
s'installer en Israël. Les aryens se seraient alors
appelés "esséniens". Après dispersion
des dix tribus du Nord, certaines seraient retournées
en Inde.
L'une d'entre elles serait arrivée au Tibet, y aurait
fondé la nation tibétaine et la Grande
fraternité blanche aryenne. Il existerait au Tibet
également une Grande Fraternité noire et des
Fraternités de moines de moindre importance comme la
Fraternité jaune ou la Fraternité rouge.
Certaines philosophies orientales seraient construites sur
les principes de la Grande Fraternité blanche,
notamment le Tao chinois, le bön ou le bouddhisme
hinayana, non théiste, monastique, toujours
pratiqué dans le sud de l'Inde et en Indochine. Le
lamaïsme tibétain en revanche hérite le
panthéon hindouiste, et est très
intégré dans le siècle. Il serait un
syncrétisme de shivaïsme, de bouddhisme mahayana
et de démonologie bön. C'est ainsi que son
fondateur Padmasambhava est présenté ici comme
un "mage noir".
Un certain Johann Valentin Andreae aurait fondé la
Rose+Croix européenne en Allemagne au 17ème
siècle, dans l'idée de réaliser sur
Terre une société authentiquement
chrétienne. Je n'ai pas encore trouvé dans les
documents présentés comment il est
censé se rattacher aux Esséniens et à
la Grande Fraternité blanche, mais en cherchant, il
doit y avoir moyen.
Depuis la fin du 19ème siècle, la Rose+Croix a
opéré un certain retour sur le devant de la
scène, à travers la société
théosophique, Steiner, Bardon, Besant... Plus ou
moins tous les ésotéristes occidentaux de
renom y sont rattachés d'une manière ou d'une
autre. On n'y trouve pas Gurdjieff, même s'il appelle
lui-même son travail "christianisme
ésotérique", mais on y trouve bien Crowley. A
cet égard, on peut considérer que
l'appellation Rose+Croix ne veut plus rien dire, et qu'on
devra reconnaître un arbre à ses fruits.
Exceptions majeures, les orientalistes comme Guénon
ou Evola ne semblent singulièrement pas liés
à la Rose+Croix.
Quand on lit le roman autobiographique de Bardon "Frabato le
Magicien", on le trouve en lutte avec une loge noire, le
démon Baphomet, et persécuté par le
régime nazi, proche de ces loges. Ces loges noires et
le Cercle de Thulé auraient été
très influencées par les mages noirs du Tibet,
ce que les opuscules Rose+Croix nomment "Grande
fraternité noire". Bardon lui-même aurait eu le
titre de Grand-maître Rose+Croix.
La fraternité en question n'a pas peur de revendiquer
son progressisme. Elle défend les idées
nouvelles, considère qu'un pays "riche" est plus
évolué, et que la direction que prennent les
pays occidentaux est résolument positive. Quand elle
évoque les illuminati, ce n'est pas pour en faire une
main occulte malfaisante derrière l'Histoire, mais
pour s'en réclamer. Les illuminati, c'est eux, rien
que ça !
A vrai dire, on ne saurait leur donner tort. Leur pedigree
est pour ainsi dire le même que celui de ceux qui ont
construit la civilisation occidentale d'après-guerre.
Anti-nazis, progressistes, croyant que la
société va vers son âge d'or. Les
références religieuses ne collent pas en
revanche. La Rose+Croix se revendique chrétienne
depuis Andreae et même depuis Akhenaton. La
société moderne n'aime guère l'Eglise,
affiche un matérialisme extrême et un
athéisme apparent. Les media européens aiment
bien le dalaï lama, l'ésotériste
occidental s'en méfie comme de la peste. Le Confessio
fraternitatis, oeuvre fondatrice des Rose+Croix nous annonce
la fin du catholicisme et de l'Islam, l'avènement
d'une nouvelle religion mondiale et d'une nouvelle
ère, symbolisée par l'apparition de nouvelles
étoiles dans le Serpentaire et le Cygne. (Moi je
verrai bien l'étoile Ras Alhague du Serpentaire finir
en supernova, me demandez pas pourquoi j'en sais fichtre
rien.). Il y a de l'oecuménisme onusien chez la
R+C.
On ne peut pas affirmer une continuité absolue avec
l'oeuvre d'Andreae ou Bardon. Il y a moins de progressisme
réjoui chez Bardon. Pour lui, ce qu'il identifie
comme la "dette karmique atlante" n'a pas été
totalement réglée pendant la seconde guerre
mondiale, et l'humanité doit se préparer
à un dernier combat très dur, pendant lequel
elle sera obligée de choisir son camp. C'est
très proche des affirmations de l'entité
canalisée appelée Cassiopéens. On se
doit de dire que si la Rose+Croix est atlante en essence, il
est curieux d'être prévenus par ceux-là
mêmes qui sont responsables de ce karma. Comme on ne
saurait mettre Bardon et Crowley dans le même sac,
nous suggérons qu'il y a certainement des tendances
centrifuges dans la Rose+Croix. Il est parfaitement naturel
qu'une organisation prenant de l'ampleur se voit investie
par des individus dont les vues sont différentes de
celles de ses fondateurs, d'autant plus que celle-ci promet
le pouvoir. Il n'y a pas que des socialistes au Parti
socialiste pour prendre une comparaison.
On s'étonnera de l'origine atlante des aryens. En
général, les aryens sont plutôt
assimilés aux "anciens athéniens" qui ont
combattu et vaincu l'Empire atlante. On tend d'ailleurs
à trouver des restes atlantes partout où on
n'aura pas retrouvé l'influence
indo-européenne, linguistique notamment.
L'aryanité des hébreux nous dérange
à vrai dire assez peu, tant leurs origines
géographiques semblent communes, et la
société judéenne tripartie comme il
faut. Qu'Akhenaton et Néfertiti fussent aryens de par
leur origine mittanienne, nous n'en voyons pas la source,
mais nous pouvons l'accepter. Soyons larges et admettons
l'origine aryenne-égyptienne-israëlienne de la
Grande fraternité blanche tibétaine. Les
principes dont se réclame cette Rose+Croix -
monothéisme personnifié, progressisme,
messianisme... - trouvent peut-être une origine dans
le culte d'Aton ou de Yahwé, mais ils sont absolument
opposés aux principes taoïstes ou zen. Jamais un
taoïste ne s'intéresserait à créer
une société authentiquement taoïste, ou
une société authentiquement chrétienne
comme le souhaite Andreae, parce que la Tradition n'est pas
par nature une morale sociale. Elle affirme la permanence de
la nature du monde, et ne saurait donc prétendre le
changer. Ceci jette le trouble sur la nature réelle
de cette Grande fraternité blanche.
D'autres sources parlent des Templiers comme à
l'origine de la Rose+Croix occidentale. Ces mêmes
Templiers auraient pourtant adoré Baphomet que Bardon
prétend avoir combattu.
Certes la Tradition orientale a aussi ses aryens et le Rig
Veda les fait maîtres de l'Inde du Nord. Mais les
auteurs orientalistes de la Tradition comme Guénon
n'ont absolument pas ce pli progressiste, avec des
Frères de lumière censés aider
l'humanité dans son évolution. Ils ne croient
pas que le monde prenne la bonne direction, mais parlent au
contraire d'involution et nous placent dans le Kali Yuga.
Ils n'écriraient jamais comme les frères de
cette obédience R+C que la magie noire n'existe pas
et que le cosmos est "bon" (en fait ce genre de jugements
n'a pas de sens). Le monothéisme nous semble
être une des pires choses qui soient arrivés
à la connaissance, et si Akhénaton fut
Grand-maître R+C, on se permettra d'être
circonspect quant à leur certitude d'être dans
le vrai.
Certes, un Joël Labruyère connaît aussi de
démoniaques tibétains, mais c'est la Grande
loge blanche elle-même contre laquelle il nous met en
garde, car elle serait impliquée dans la
création d'un Nouvel ordre mondial tyrannique. Les
relents onusiens des textes R+C nous incitent à lui
donner raison. A la décharge des R+C, on notera qu'un
Boris Mouravieff, dont les travaux sur la gnose
chrétienne sont référentiels, faisait
lui aussi preuve d'une foi progressiste d'une
candideté à toute épreuve, et
applaudissait des deux mains l'unification politique du
monde.
La Tradition s'installe comme l'oeuf d'un coucou dans le nid
des religions en place. Dans l'hindouisme, dans l'islam
(soufisme), dans le christianisme (Gnose,
Hésichasme), dans le judaïsme (Kabbale).
On connaît aussi une tendance de la Tradition à
involuer jusqu'à devenir méconnaissable, et
c'est précisément ce à quoi on a
à faire. Pour ainsi dire, elle devient une tradition
concurrente. Elle s'affiche tout aussi
ésotérique, également chrétienne
en marge de l'Eglise. Mais elle comprend le
monothéisme à la manière naïve des
croyants ordinaires. Elle présente ainsi le culte
d'Aton comme un progrès théologique par
rapport à l'ennéade ! Elle est progressiste,
adventiste à la façon des
matérialistes. Elle présente les nantis comme
les meilleurs d'entre nous. On y retrouve de la
pensée protestante, l'esprit des Lumières. On
a connu des coucous similaires dans l'Histoire de l'Eglise,
et on pense ici notamment aux jésuites. Certains
courants associent courramment les jésuites aux mages
noirs tibétains. Illuminati et jésuites, la
totale.
On ne saurait toutefois jeter le bébé avec
l'eau du bain. Si on fait fi du progressisme en filigrane de
ces R+C, on ne saurait dire qu'ils sont de mauvaise foi.
L'humilité et le désir de servir ne font pas
de doute, et beaucoup d'ouvrages d'obédience R+C sont
plus que recommandés.
|