À la fin de la République ou sous
lEmpire, le REX SACRORUM
nexerçait plus quun rôle
relativement secondaire dans la religion publique de
lÉtat romain, au point de se trouver
subordonné au pontifex maximus : cest dans
cette situation de subordination par rapport au grand
pontife que Tite-Live limagine dès sa
création en 509. En fait, le « roi des rites
sacrés » semble avoir primitivement
exercé des fonctions religieuses de première
importance pour la cité et avoir occupé une
place toute différente dans la hiérarchie
sacerdotale. Le témoignage le plus sûr de la
primauté primitive du REX SACRORUM
dans la religion romaine est fourni par un passage de Festus
sur lordo sacerdotum (Festus, p. 198-200 Lindsay)
:
« La hiérarchie des
prêtres est estimée <daprès le
rang> des dieux, <selon> limportance de
chaque <dieu>. Le rex est considéré
comme le plus grand, puis vient le flamine de Jupiter ;
après lui, celui de Mars, en quatrième lieu,
celui de Quirinus ; au cinquième rang, le grand
pontife. Cest pourquoi dans les banquets sacrés
(inepulis), le rex se place seul sur le lit au-dessus de
tous. De même le flamine de Jupiter prend place
au-dessus de celui de Mars et de Quirinus, et celui de Mars
au-dessus de ce dernier. De même, tous prennent place
au-dessus du pontife. Le rex, parce quil est le plus
puissant ; le flamen Dialis parce quil est le
prêtre du monde entier, qui est appelé Dium ;
le flamine de Mars, parce que Mars était le
père du fondateur de Rome ; le flamine de Quirinus,
parce que Quirinus avait été appelé de
Cures pour être associé au pouvoir romain
(imperium Romanum) ; le grand pontife, parce quil est
considéré comme le juge et larbitre des
affaires divines et humaines. »
Dans ce document, le « roi » (rex) est
explicitement présenté comme un prêtre
(sacerdos) : il ne peut dès lors sagir que du
rex sacrorum. Cest dailleurs ce que confirment
deux autres témoignages analogues, rapportés
par Aulu-Gelle et par Servius, qui semblent se
référer au même ordo sacerdotum,
cest-à-dire à celui qui se manifestait
par la place occupée par chaque prêtre lors des
banquets des dieux (deorum epulis) : il est dailleurs
possible que les trois auteurs dépendent dune
source commune qui pourrait provenir de la
littérature juridico-religieuse, comme les Libri
iuris pontificis de Fabius Pictor cités comme source
par Aulu-Gelle pour sa notice sur le flamen Dialis. Le texte
de Festus présente par conséquent la
hiérarchie des prêtres (ordo sacerdotum)
daprès un document religieux probablement
très ancien : le « roi » (« des
sacrifices ») est présenté au sommet de
la hiérarchie sacerdotale, suivi par les trois
flamines majeurs (flamen Dialis, flamen Martialis et flamen
Quirinalis), et enfin par le pontife (pontifex).
Le pontife est généralement
considéré comme étant le grand pontife,
mais la phrase de Festus (omnes item supra pontificem)
nindique pas lépithète maximus, ce
qui signifie que ce prêtre était alors
lunique pontife de la religion romaine.
Dailleurs, lorsque Tite-Live évoque la
création du rex sacrificulus en 509, il
précise immédiatement que ce sacerdoce aurait
alors été soumis au pontife (pontifici),
mentionné au singulier et sans épithète
(quon comprend généralement comme
étant le pontifex maximus). Le groupe de
prêtres présenté par lordo
sacerdotum correspond au plus ancien noyau du futur
collège pontifical, le plus important des quatre
collèges sacerdotaux dépoque
républicaine (pontifes, augures, decemviri [puis
quindecemviri] sacris faciundis, triumviri [puis
septemviri] epulones) : il est même probable
quil constituait, avec celui des augures, le plus
ancien collège sacerdotal à Rome.
Le texte quavait déniché Verrius Flaccus
présentait le groupe de prêtres suivant une
hiérarchie différente de celle de la fin de la
République, puisque le REX (sacrorum) est
situé au sommet de la hiérarchie sacerdotale,
tandis que le pontife, alors encore unique, lui était
subordonné et était placé en dernier
dans lordre protocolaire du collège. La
hiérarchie présentée par ce document
concerne certes la place occupée par chaque
prêtre dans les banquets sacrés (in epulis),
mais comme il sagit de banquets rituels
organisés dans le cadre de leurs fonctions
cultuelles, la hiérarchie sacerdotale a ici une
valeur générale, même si elle trouve
dans ces banquets sa manifestation concrète.
Une grande coupe en bucchero retrouvée sous le niveau
républicain de la Regia, cette coupe devait servir
aux libations qui se déroulaient à
lintérieur de la Regia archaïque, lors des
banquets sacrés (epula) évoqués par le
texte de Festus, et le graffito indique simplement qui
devait ou pouvait se servir de la coupe. Lordo
sacerdotum rapporté par Festus/Verrius Flaccus
constitue par conséquent un « fossile »
dune époque antéieure à la
prédominance du pontifex maximus dans la religion
romaine, et pourrait même renvoyer à une
réalité religieuse antérieure à
linstauration de la République.
Daprès Tite-Live, cest seulement à
lextrême fin du IVe siècle que le nombre
de pontifes augmenta (au moment du vote du plébiscite
ogulnien, en 300, on aurait porté leur nombre
à neuf : rex, flamines majeurs et grand pontife
compris. Cest donc aussi à cette époque
que le pontifex maximus a dû prendre lascendant
au sein du collège pontifical, y compris sur le rex
sacrorum. K. Latte a même parlé à ce
propos de « révolution pontificale ».
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