LA REPUBLIQUE

La Religion au Coeur de la République


Michel Humm. La Regia, le rex sacrorum et la Res publica.
Archimède : archéologie et histoire ancienne, 2017, 4, pp.129-154. - Halshs-01589194

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REGIA - REX SACRORUM - RES PUBLICA

L’évolution architecturale de la Regia, entre la fin de la « Royauté » et le début de la République, ne permet pas de confirmer l’apparition concomitante du rex sacrorum et du régime politique républicain. Ce prêtre occupait à l’origine une place prééminente dans l’ordo sacerdotum et ne verra son rôle être éclipsé par le pontifex maximus qu’au cours du IV e siècle av. J.-C. Ses fonctions religieuses étaient exercées dans la Regia, à la curia Calabra et au Comitium. Le rex sacrorum républicain ne peut être que le prolongement d’un « roi-prêtre » (rex) qui exerçait ses fonctions aux côtés des chefs politiques et militaires de la cité, peut-être dès la fin du IVe siècle. La sclérose architecturale de la Regia, à partir du début de la période républicaine, indique à la fois la fin des bouleversements politiques de l’époque archaïque et le début d’un lent déclin de la fonction du « roi-prêtre ».

Sous la République romaine, et encore tout au long du Principat, existait au cœur de Rome, en plein Forum, une « maison royale » (domus regia) précisément appelée Regia. Fréquemment évoqué par les sources littéraires, ce bâtiment a été reconnu dans la construction de forme trapézoïdale qui s’étend devant le temple d’Antonin et Faustine, à l’arrière du temple de Jules César divinisé, le long de la via Sacra, non loin du temple rond de Vesta. L’identification de ces ruines avec la Regia dont parlent les sources littéraires a été définitivement confirmée par la découverte, lors des fouilles de G. Boni en 1899, sous le pavement républicain, d’une coupe en bucchero du dernier quart du vi e siècle av. J.-C. portant l’inscription REX.


Le secteur de la Regia (cercle rouge) au Forum romain
Crédit photo : M. Humm

Ce témoignage épigraphique peut être complété par la découverte de l’inscription regi ( a ) figurant sur un fragment de travertin (d’époque républicaine) retrouvé dans la citerne du monument et provenant probablement de la margelle du puits qui se trouvait au-dessus de la structure souterraine. Malgré sa place centrale au Forum, la construction n’était pas bien grande et présente un plan assez curieux, constitué de trois pièces rectangulaires disposées en enfilade sur son côté sud, et d’une cour intérieure de forme triangulaire disposant d’une ouverture à l’est et bordée par des portiques sur deux côtés. Mais surtout, dans un État (respublica) qui cultivait sciemment la « détestation de la royauté » (odium regni), on peut se demander à quoi pouvait bien servir une telle « maison royale » (Regia) placée au cœur de la cité.

Les sources littéraires de la fin de la République ou du Principat expliquent en fait que le bâtiment était ainsi appelé parce que c’était l’emplacement où avait jadis habité le roi (rex), ou plus précisément que c’était le lieu où officiait le prêtre, membre du collège pontifical, qui était appelé « roi des sacrifices » ou plutôt « roi des rites sacrés » (rex sacrorum ou rex sacrificulus). Certaines sources donnaient également le nom de Regia à la demeure du pontifex maximus sur le Forum ; mais le nom de Regia qui est parfois donné par les sources à cette résidence de fonction (domus publica) du grand pontife doit venir du fait qu’elle avait été primitivement occupée par le REX SACRORUM.

L’existence de ce prêtre appelé « ROI » (rex) était justifiée par la nécessité qu’il y aurait eu à maintenir un certain nombre de
sacrifices et de rites religieux auparavant effectués par le vrai roi, après le départ de Tarquin le Superbe : le « roi des rites sacrés » serait donc un roi de substitution créé par la République romaine, et évoque l’archonte athénien appelé le « ROI », une magistrature héritière de la royauté qui passait pour la plus ancienne d’Athènes ; le REX SACRORUM serait même apparu dès la première année du nouveau régime en -509, afin que les cultes pratiqués à la Regia ne souffrissent d’aucune interruption.


UN SANCTUAIRE RELIGIEUX

Parmi ces cultes, les sources littéraires indiquent ceux de Jupiter et de Junon, auxquels la regina sacrorum offrait un sacrifice respectivement aux nondines (un bélier) et aux calendes (une truie ou une agnelle), celui de Janus, « dieu de janvier et de tous les commencements » (G. Dumézil), auquel le REX sacrifiait un bélier à l’agonium du 9 janvier (première fête de l’année), et enfin ceux de Mars et d’Ops Consiva, qui auraient chacun disposé d’un sacrarium au sein de la Regia et qui symbolisaient respectivement la protection guerrière et l’abondance agricole que la cité (ou son roi) demandait à ses dieux. On peut dès lors se demander si la fonction de ce monument était celle, politique, d’un palais (royal), ou celle d’un sanctuaire religieux.

La documentation archéologique aujourd’hui disponible permet-elle de confirmer la vision traditionnelle qui continue à associer, dans nos manuels d’histoire romaine, l’instauration de la République avec la fin du règne des « rois », et celle-ci avec la création, en leur lieu et place, d’un prêtre appelé REX SACRORUM ?

Les fouilles américaines dirigées par F. E. Brown en 1964-1965 ont, un moment, semblé confirmer à la fois cette chronologie et cette interprétation institutionnelle. Les fouilles ont montré que la Regia a connu une histoire assez compliquée : les ruines actuellement visibles remontent à la reconstruction du bâtiment effectuée ex manubiis par Cn. Domitius Calvinus en 36 av. J.-C. Cette reconstruction reproduisait pour l’essentiel la forme adoptée par la Regia à la fin du vie siècle av. J.-C., avec ses trois pièces alignées sur le côté méridional de la cour centrale et orientées sur un axe est-ouest, le long du vicus Vestae (il s’agit en réalité de deux chambres qui ouvrent sur un vestibule central qui, seul, donne accès à la cour).

Mais les fouilles ont également permis d’établir l’existence, au même emplacement, de plusieurs phases de construction antérieures, dont la plus ancienne remonte au dernier quart du VIIe siècle (phase précédée, aux VIIIie et VIIe siècles, par un groupe de huttes ou de cabanes périodiquement reconstruites après incendies et qui semblent avoir été délibérément séparées de l’habitat protohistorique installé sur le Palatin et la Vélia. Les différentes phases de construction de la Regia sont marquées par des destructions et des incendies qui précèdent à chaque fois la phase suivante.

F. E. Brown voyait désormais dans les phases antérieures de construction les précurseurs de la Regia républicaine également pour leurs fonctions, puisqu’on retrouve dans chacune d’elles les mêmes éléments de base constitués par la présence de deux petites chambres associées à une cour portiquée de forme irrégulière. Il en déduisit que la construction devait avoir les mêmes fonctions depuis ses origines, et qu’elle n’a jamais pu être un lieu de résidence à aucun moment de son évolution. Par conséquent la Regia républicaine, comme la Regia royale, n’était pas une résidence, mais un édifice sacré contenant les sacraria de Mars et d’Ops Consiva, qu’il identifiait avec les deux chambres présentes à chacune des phases de sa construction.


LE « ROI » DANS LA HIÉRARCHIE SACERDOTALE ARCHAÏQUE

À la fin de la République ou sous l’Empire, le REX SACRORUM n’exerçait plus qu’un rôle relativement secondaire dans la religion publique de l’État romain, au point de se trouver subordonné au pontifex maximus : c’est dans cette situation de subordination par rapport au grand pontife que Tite-Live l’imagine dès sa création en 509. En fait, le « roi des rites sacrés » semble avoir primitivement exercé des fonctions religieuses de première importance pour la cité et avoir occupé une place toute différente dans la hiérarchie sacerdotale. Le témoignage le plus sûr de la primauté primitive du REX SACRORUM dans la religion romaine est fourni par un passage de Festus sur l’ordo sacerdotum (Festus, p. 198-200 Lindsay) :

« La hiérarchie des prêtres est estimée <d’après le rang> des dieux, <selon> l’importance de chaque <dieu>. Le rex est considéré comme le plus grand, puis vient le flamine de Jupiter ; après lui, celui de Mars, en quatrième lieu, celui de Quirinus ; au cinquième rang, le grand pontife. C’est pourquoi dans les banquets sacrés (inepulis), le rex se place seul sur le lit au-dessus de tous. De même le flamine de Jupiter prend place au-dessus de celui de Mars et de Quirinus, et celui de Mars au-dessus de ce dernier. De même, tous prennent place au-dessus du pontife. Le rex, parce qu’il est le plus puissant ; le flamen Dialis parce qu’il est le prêtre du monde entier, qui est appelé Dium ; le flamine de Mars, parce que Mars était le père du fondateur de Rome ; le flamine de Quirinus, parce que Quirinus avait été appelé de Cures pour être associé au pouvoir romain (imperium Romanum) ; le grand pontife, parce qu’il est considéré comme le juge et l’arbitre des affaires divines et humaines. »

Dans ce document, le « roi » (rex) est explicitement présenté comme un prêtre (sacerdos) : il ne peut dès lors s’agir que du rex sacrorum. C’est d’ailleurs ce que confirment deux autres témoignages analogues, rapportés par Aulu-Gelle et par Servius, qui semblent se référer au même ordo sacerdotum, c’est-à-dire à celui qui se manifestait par la place occupée par chaque prêtre lors des banquets des dieux (deorum epulis) : il est d’ailleurs possible que les trois auteurs dépendent d’une source commune qui pourrait provenir de la littérature juridico-religieuse, comme les Libri iuris pontificis de Fabius Pictor cités comme source par Aulu-Gelle pour sa notice sur le flamen Dialis. Le texte de Festus présente par conséquent la hiérarchie des prêtres (ordo sacerdotum) d’après un document religieux probablement très ancien : le « roi » (« des sacrifices ») est présenté au sommet de la hiérarchie sacerdotale, suivi par les trois flamines majeurs (flamen Dialis, flamen Martialis et flamen Quirinalis), et enfin par le pontife (pontifex).

Le pontife est généralement considéré comme étant le grand pontife, mais la phrase de Festus (omnes item supra pontificem) n’indique pas l’épithète maximus, ce qui signifie que ce prêtre était alors l’unique pontife de la religion romaine. D’ailleurs, lorsque Tite-Live évoque la création du rex sacrificulus en 509, il précise immédiatement que ce sacerdoce aurait alors été soumis au pontife (pontifici), mentionné au singulier et sans épithète (qu’on comprend généralement comme étant le pontifex maximus). Le groupe de prêtres présenté par l’ordo sacerdotum correspond au plus ancien noyau du futur collège pontifical, le plus important des quatre collèges sacerdotaux d’époque républicaine (pontifes, augures, decemviri [puis quindecemviri] sacris faciundis, triumviri [puis septemviri] epulones) : il est même probable qu’il constituait, avec celui des augures, le plus ancien collège sacerdotal à Rome.

Le texte qu’avait déniché Verrius Flaccus présentait le groupe de prêtres suivant une hiérarchie différente de celle de la fin de la République, puisque le REX (sacrorum) est situé au sommet de la hiérarchie sacerdotale, tandis que le pontife, alors encore unique, lui était subordonné et était placé en dernier dans l’ordre protocolaire du collège. La hiérarchie présentée par ce document concerne certes la place occupée par chaque prêtre dans les banquets sacrés (in epulis), mais comme il s’agit de banquets rituels organisés dans le cadre de leurs fonctions cultuelles, la hiérarchie sacerdotale a ici une valeur générale, même si elle trouve dans ces banquets sa manifestation concrète.

Une grande coupe en bucchero retrouvée sous le niveau républicain de la Regia, cette coupe devait servir aux libations qui se déroulaient à l’intérieur de la Regia archaïque, lors des banquets sacrés (epula) évoqués par le texte de Festus, et le graffito indique simplement qui devait ou pouvait se servir de la coupe. L’ordo sacerdotum rapporté par Festus/Verrius Flaccus constitue par conséquent un « fossile » d’une époque antéieure à la prédominance du pontifex maximus dans la religion romaine, et pourrait même renvoyer à une réalité religieuse antérieure à l’instauration de la République.

D’après Tite-Live, c’est seulement à l’extrême fin du IVe siècle que le nombre de pontifes augmenta (au moment du vote du plébiscite ogulnien, en 300, on aurait porté leur nombre à neuf : rex, flamines majeurs et grand pontife compris. C’est donc aussi à cette époque que le pontifex maximus a dû prendre l’ascendant au sein du collège pontifical, y compris sur le rex sacrorum. K. Latte a même parlé à ce propos de « révolution pontificale ».


LE POUVOIR POLITIQUE

Rome aurait eu, peut-être dès la fin du VIIe siècle, une sorte de « roi-prêtre » sans fonctions de gouvernement politique, mais qui aurait exercé des fonctions religieuses en rapport avec le temps et la sauvegarde de la communauté : il en symbolisait l’unité et en « réglait » l’accord avec l’ordre naturel du monde, suivant le sens qu’on peut donner aux mots latins regere ou rectus, d’où est tiré le titre de REX ; il exerçait ses fonctions dans la Regia, bâtiment de fonction et de représentation, au Comitium, lieu de réunion officielle de la communauté civique, ainsi qu’à la curia Calabra et à l’auguraculum de l’Arx, sur un axe que reliait la via Sacra depuis que Rome existait en tant que cité. Le « roi-prêtre » de l’époque royale doit être distingué du chef politique et militaire de la cité pour plusieurs raisons.

Par conséquent, la reconstruction de la Regia pour la cinquième fois vers la fin du VII e siècle, au moment du départ du dernier Tarquin, ne s’explique pas par la création du REX SACRORUM, c’est-à-dire d’un prêtre spécifique censé remplacer dans ses fonctions religieuses le vrai « roi » qui venait de partir. Cette substitution est en effet impossible car le « roi-prêtre » existe peut-être depuis les origines de la cité à Rome, en tout cas probablement au moins depuis le début de la domination étrusque sur la ville, à partir du dernier quart du VII e siècle (première phase de la Regia).

Elle est également impossible parce qu’à cette époque au moins, les ROIS, au sens politique de monarques, n’ont pas existé : les souverains romains de l’époque archaïque étaient en fait des condottieri et des « tyrans », des seigneurs de la guerre davantage préoccupés par leurs opérations militaires que par les rituels religieux contraignants que pratiquait le « roi-prêtre » à la Regia et au Comitium. Dans ce cas, les quatre premières phases de construction de la Regia à l’époque archaïque pourraient effectivement s’expliquer par les variations qu’a connu le pouvoir politique à Rome entre la fin du VIIe siècle et la fin du VIe, si le « roi-prêtre » qui y officiait n’était qu’un représentant du pouvoir politique (ou son « auxiliaire » religieux).

C’est ce que peuvent suggérer les diverses interprétations qui sont faites aujourd’hui du thème iconographique du MINOTAURE qui apparaît sur des plaques décoratives en terre cuite de la Regia 3 e phase, vers 570 av. J.-C. Massa Pairault remarque que la représentation du MINOTAURE tué par Thésée apparaît sur divers objets en céramique retrouvés en Étrurie à partir du début du VIe siècle, et interprète par conséquent sa présence sur les murs contemporains de la Regia comme un motif symbolique associé au pouvoir politique de type tyrannique qui tendait alors à se substituer à l’ancien pouvoir royal. Le MINOTAURE de la Regia de Rome (comme celui de la Regia de Gabies, découvert récemment) n’est toutefois pas représenté dans son face-à-face mortel avec Thésée, et semble davantage figurer une force triomphante.


Le Minotaure sur une plaque en terre cuite de la Regia
(C ristofani 1990, © éditions « L’Erma » di Bretschneider, Rome)

Le MINOTAURE aurait donc primitivement été un symbole de force militaire, et sa présence à la Regia pourrait s’expliquer par celle du sacrarium de Mars et par la fonction guerrière symbolique du « roi-prêtre ». Bien plus, suivant une interprétation déjà proposée par P. Romanelli, puis reprise et développée par M. Menichetti, la figure triomphante du MINOTAURE, que l’on voit accompagné de félins (panthères ou lionnes) et d’un oiseau (grue ou autruche), serait en fait une représentation de DIONYSOS à tête de TAUREAU, en rapport avec le thème du TRIOMPHE ROYAL à l’époque archaïque (et de ses origines dionysiaques), d’autant que la Regia, située sur la via Sacra, est directement placée sur le parcours du triomphe et se trouve étroitement liée au rituel archaïque du Cheval d’octobre, lui-même en rapport avec le triomphe royal primitif.

Or la force militaire ainsi que le triomphe constituaient des éléments essentiels du pouvoir de type « tyrannique » exercé par les chefs de guerre qui dirigeaient les cités étrusques et latines au cours du VI e siècle, si bien que l’apparition du thème iconographique du MINOTAURE sur les murs de la Regia vers 570, en lien avec une nouvelle phase architecturale du bâtiment, peut également être mise en rapport avec la prise de pouvoir d’un nouveau condottiere à la tête de la cité. Le « roi-prêtre » qui exerçait ses fonctions sacrées à l’intérieur de la Regia devait donc être étroitement associé, au moins au moment de sa nomination, au pouvoir politique de type militaire qui dirigeait la cité.

Si donc les quatre premières phases de la Regia s’expliquent par des changements politiques à la tête de l’État romain, la cinquième phase ne peut pas s’expliquer par la création d’une nouvelle fonction religieuse en lien avec le bâtiment, même si cette phase s’est « sclérosée » jusqu’à la fin de l’histoire de la Regia, au IVe siècle ap. J.-C. La Regia a en effet toujours eu une fonction en rapport avec la religion et le temps de la cité, depuis ses origines les plus lointaines jusqu’à la fin de son existence : elle est d’ailleurs définie par Festus comme un « sanctuaire » (fanum), et il y a peu de chance qu’elle n’ait jamais été autre chose. Les différentes variations de son plan interne ne peuvent avoir eu aucune incidence sur l’organisation des rituels qui y étaient pratiqués et, surtout, ne signifient aucun changement dans sa fonctionnalité. La construction de la cinquième phase de la Regia ne se justifie donc pas plus par la création du rex sacrorum que les quatre premières phases

Il faut en réalité renverser les termes du problème : si les quatre premières phases s’expliquent par des changements du pouvoir politique à la tête de la cité, alors la cinquième phase s’explique pour la même raison, et le maintien de son organisation architecturale pendant les siècles suivants ne s’explique que parce que le prêtre public qui officiait dans la Regia (qu’il fût le rex sacrorum ou plus tard le pontifex maximus) n’était plus le partenaire religieux d’un pouvoir politique personnel et périodiquement renouvelé, mais celui de la res publica. Cette « sclérose » architecturale s’explique probablement aussi par le déclin institutionnel et religieux du REX SACRORUM. En cela, la Regia est aussi bien le miroir de l’évolution politique et institutionnelle de la cité, que le reflet de ses structures civiques et religieuses les plus durables.


DYONISOS TAUROS

DIONYSOS le dieu de la vigne, du vin, de la fête et de ses excès aux multiples facettes, connu dans le monde latin sous le nom de BACCHUS, est le fils de ZEUS, chef du panthéon des Grecs. Dieu étrange, il est un dieu venu d’ailleurs, peut-être de l’Orient grec, Alexandrie est, à l’époque hellénistique, l’un des foyers actifs du dionysisme. Un degré de plus dans le rapprochement entre les Lagides d'Egypte et DIONYSOS est franchi lorsque Ptolémée III Évergète se fait représenter tel un DIONYSOS TAUROS, le front ceint d’une mitra surmontée de deux petites cornes. Ce buste, trouvé à Thmuis, dans le Delta, est daté du début du IIe siècle avant notre ère.

DIONYSOS est aussi le dieu des orgies, on le retrouve en compagnie d'une panthère assoiffée qui lape le vin que le dieu déverse devant lui. Des Satyres avinés et trop souvent ithyphalliques, le gros, savant et débonnaire Silène, et surtout des femmes, des débauchées, des folles ! Ce sont les Bacchantes ou les Ménades, dont le nom dit bien ce qu’il veut dire, puisqu’il dérive du mot grec mania, qui signifie « la folie » (et qui donnera « manie » en français). L’inspirateur de ce vent de folie, c’est DIONYSOS, qui de la pointe de son thyrse, rend fou tous ceux qu’il touche. Normal, donc, que la diffusion de son culte ait rencontré quelques résistances.


Dionysos
Mosiaque du British Museum

Le TAUREAU, dont l’image évoque à la fois la beauté animale, la puissance indomptable et une force sexuelle inépuisable, fut largement exploité dans la symbolique de l’Antiquité gréco-romaine : Poséidon chevauche parfois un taureau, allusion au grondement de la mer qui évoque le mugissement de l'animal. ZEUS peut aussi occasionnellement prendre la forme d’un taureau blanc pour emmener vers d’autres horizons la princesse Europe. Quant à DIONYSOS, les textes anciens nous disent qu’il pouvait avoir des traits taurins. Ainsi, on sait qu’en divers endroits du monde grec, il était appelé TAUREAU, Plutarque observant aussi que le dieu était souvent figuré sous la forme de cet animall.

Il semble donc qu’il y ait eu une véritable liturgie où DIONYSOS était honoré comme un TAUREAU. Dans son cas, l’idée de mutation, de transformation subite du dieu en animal sauvage est importante. DIONYSOS devient fou, Euripide nous en a décrit les circonstances de la métamorphose en 405 avant notre ère, dans Les Bacchantes, une des tragédies les plus populaires de l’Antiquité. On peut imaginer les deux types de DIONYSOS TAUROS, l’un ivre, l’autre fou, pouvaient constituer l’évocation des deux aspects antinomiques du dieu du vin.



SOURCES ET LIENS 

https://shs.hal.science/halshs-01589194/document




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